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ASSIKEL, AVEC CEUX DU HOGGAR (I)

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Message  setamir Lun 28 Juil - 13:12

El watan du 05 septembre 2004
Par Naima Chekchak


ASSIKEL, AVEC CEUX DU HOGGAR
Voyage au tempsdes caravanes



Assikel : pour raconter le voyage... celui des Imohaghs, Berbères du Sahara central : les Touareg. Assikel signifie voyage en tamahaq, la langue écrite et parlée par eux. Et c’est bien à cet Assikel que nous sommes ici, initiés pour plonger dans sa signification profonde : avec les vaisseaux du désert, c’est une longue méharée qui nous mènera. « Comme au temps jadis », avec les gens du désert pour vivre avec eux la plénitude de cet autre espace... Suivons, donc, notre chef de caravane !

Vingt-six juillet : c’est la veille du voyage. La méharée est fin prête : onze chameaux de selle, onze de bât, nos provisions ainsi que celles de nos chameaux. Pardon ! de nos dromadaires ! Mohamed Rouani, enfant du Hoggar, est l’initiateur depuis toujours de cet « assikel » qu’il répète chaque année pour perpétuer la tradition des caravanes et pour que l’histoire de celles-ci ne s’arrête jamais malgré le temps. Avec Moussa Ag Aberguali notre chef de caravane, ils ont tous deux veillé à chaque détail des préparatifs, auxquels chaque membre de la caravane a contribué. L’un des objectifs de note long voyage sera la ziara annuelle de Tazrouk qui célèbre Moulay Abdallah, un sage de la région. 27 juillet : cette évasion dans une partie du plus beau désert du monde tous les connaisseurs sont unanimes s’annonce différente. Le 4 x 4 est troqué contre une longue méharée qui se déroulera toujours nord-nord-est à travers la chaîne montagneuse de l’Atakor et au pays des Kel-ghella, des Adjuh-N’tehle des Issaqumaren et des Aït Tougen, tribus occupant notamment les régions de Wahelégène et au Tazolète, les aires de notre Assikel A’tizelaïne. Dans une immense ahenssa, cuvette sablonneuse parsemée d’acacias et entourée des montagnes proches de Tamanrasset, nous attend notre caravane que nous rejoignons en 4 x 4. Entre Mohamed et les caravaniers les Issalane, les échanges de salutations se font avec la mesure et la sobriété connues aux Kel-Ahaggar (ceux du Hoggar). Nos montures sont sellées, alors que sur chameaux de bat sont encordés nos effets, nos provisions et les « abéyough » (outre, guerba en arabe) qui portent notre eau. Deux chameaux seront offerts à la ziara de Tazrouk, comme participation. Alors que la piste caravanière se profile devant nous, dans sa perspective longiligne, majestueusement campés sur leurs montures, Moussa Ag Aberguali et Mohamed donnent le ton à notre caravane qui, déjà, s’ébranle en file indienne.

En quête d’absolu
Dans un mouvement de vagues, Awragh (le blond en tamahaq) mon chameau, me projette très haut perchée à plus de deux mètres du sol, alors que je suis, bien campée sur ma tarik (selle). Un plaisir toujours renouvelé, me permettant de dominer les paysages dans une pleine quiétude, bercée alors par le rythme de va-et-vient de ma monture.Tamanrasset est déjà à quelque distance derrière nous au Sud, pensant que les hautes montagnes de la chaîne de l’Atakor, ses oueds, ses sables, ses points d’eau et ses centres de vie commencent à se décliner sur la cadence de notre piste : le ressourcement s’annonce exaltant, et l’air doux de cette fin de juillet sur les altitudes hoggariennes nous ouvre les portes secrètes de l’infini désert. Izzernène : nous l’atteignons aux heures douces du jour, avant le couchant, à la takest, disent les Kel-Ahaggar. Cette première halte à un goût de fête : c’est l’espace des Adjuh N’téhélé, ceux du roseau, tribu à laquelle appartiennent les compagnons de la méharée. Tandis que Belkèche nous attend sous un absagh (cet acacias en forme de parasol) avec un feu de camp où se prépare déjà notre thé, Khaya, Doudou, Bakha et Brahim se lancent au pas de course sur leurs méharas vers notre arbre : signe de liesse accompagnée des « iih ! » et des cris de joie poussés par les autres méharistes, cette envolée jubilatoire explique que nous ne sommes pas loin du campement des compagnons, un campement de huttes en téhlé (le roseau). Dans la mémoire collective des Touareg, le retour des hommes au campement, après une absence, est toujours une fête ponctuée de tindi, d’imzad et d’atal, ces soirées poétiques à l’ombre des étoiles. Nous baraquons nos chameaux, les déchargeons, les desselons puis les entravons aux pattes antérieures pour leur permettre de paître sans trop s’éloigner. Repos du soir pour nous qui commence avec le rituel des trois verres de thé, accompagné de melfoufe. Ces délicieuses brochettes de foie enrobées d’une fine graisse. La succulente taguéla galette cuisant sous le sable chauffé par la braise et accompagnée de sauce agrémentée à la viande de chameaux, composera notre dîner. Autour du feu de camp, long palabre dans le silence nocturne. 28 juillet : l’ahokhak, l’aube en tamahaq. L’instant où le feu de notre petit-déjeuner est déjà allumé. Tout le monde l’entoure déjà. Dans le milieu récurrent du désert, le sommeil ne dure que peu. « N’amaghrou ! » : c’est Moussa qui appelle son petit-fils et cela signifie, en quelque sorte, mon homonyme ! Le jeune Doudou s’appelle en réalité Moussa. Etant son parrain, son grand-père lui a donné son prénom comme le veut la tradition. Mais il l’appellera toujours « N’amaghrou », comme le veut la tradition aussi. Le grand-père et le petit-fils vont tous deux rassembler les chameaux qui sont allés la nuit, les pattes entravées par la tifart (l’entrave en corde torsadée), brouter. 7h 30, l’heure où notre caravane emprunte la piste. Avant, nos affaires sont soigneusement rangées et portées sur les chameaux de bât. Seller les méharas est une opération solennelle et précise que chacun entreprend de son côté : enlever la téfart des pattes du chameau ; mettre la rêne en cuir la « tarent ») à l’anneau en cuivre qui pend à la narine droite du méhari. Placer comme il se doit les trois petits carrés de tapis tout brodés sur son dos. Bien caler la tarik en la fixant avec l’ahaïf, la sangle), ajouter l’ahéloum », une très longue corde en poils de chèvre que l’on fait passer autour du ventre, puis plusieurs fois autour du train de derrière de l’animal, un renfort par la tarik mais surtout un objet de décor. Les Ighatimène (mules en cuire) et la talouhénit (sac en cuir) sont accrochés de part et d’autre de la monture. Tout harnachement présente un ensemble d’éléments utilitaires et esthétiques qui font la fierté du méhariste targui. Un saut et « ourt ! » pour lancer le trot. Moussa Ag Abserguali et Mohamed Rouani toujours à la tête de la caravane. Notre file ondule de pas réguliers sur notre piste gravée depuis toujours par les milliers de dromadaires qui ont porté les caravaniers en quête d’espaces et d’échanges. Heureux, nous cheminons dans le silence ambiant. Devant, le port altier et l’allure digne, Mohamed (un Kel-Guella, tribu dominante du Hoggar) entonne des allégories empreintes de nostalgie. Pense-t-il aux lointains campements de son enfance ? Derrière, je me laisse bercer par les ondulations d’Awragh, suivie par la longue file ocre de nos chameaux qui portent les autres, les vieux Bokha, Khoni, Brahim, Hamayden, Khaya, Abderahmane et son fils Doudou. Dans le ressourcement, je m’émerveille de toutes les images qu’offre infiniment le Hoggar. Je suis vide des artifices citadins. Je suis sereine ! Comme le sont naturellement mes compagnons.

Fascinant Atakor !
8 h, début de matinée, l’ Ag Delsset disent les Touareg qui partagent les 24 heures en dix moments : à mesure que nous progressons vers le nord, le Hoggar s’impose par son côté monumental. Son allure montagneuse, déjà abordée la veille par ses pics, ses volcans et ses chaînes l’Ihtagen, le Tindi, l’Aounahant, l’Akar-Akar, l’Adrar Haggaren, se prononce de plus en plus. Filiforme, notre piste chamelière déroule devant nous des paysages géologiques essentiellement gréseux et volcaniques que l’on croirait sans vie floristique. Pourtant, à côté des différentes espèces d’acacias (absagh, tanat, tadjart...) et de tamaris ; une infinie variété d’arbustes et de plantes aux vertus thérapeutiques se suivent sans cesse le long de notre Assikel : tataï, le fenouil sauvage, tahareguéli, l’armoise, tehoune l’aubépine et autre tedjouq, tinetfert et aouhihet. Une vraie pharmacie écologique qui fera également le bonheur de chameaux durant nos haltes. Taguerfest : c’est la deuxième montagne dont nous sinuons les pistes montantes, après celle de la veille de Telaous. Nos montures ont une prise extraordinaire sur le sol très rocailleux. Défilent sous nos yeux d’innombrables Idebni (tombes en tamahaq) préhistoriques et anté-islamiques, tout de pierres noires volcaniques édifiées sur des talus bordant les oueds qui traversent taguerfest. Ce sont là aussi plusieurs foyers et monuments préhistoriques qui s’offrent à notre regard tranquille. « Les multiples cercles de pierre que tu vois sont d’anciennes cuisines de la période préhistorique », explique Mohamed à la tête d’une des plus anciennes agences de tourisme qui privilégie dans sa philosophie de la découverte du désert marche à pied et mehari et pour ceux qui désirent trouver vraiment le désert. Pour celui-ci, notre initiateur de la caravane voue un sacro-saint respect qu’il veut absolument transmettre aux autres : « Le désert est comme une mosquée, on n’y foule pas le pied sans enlever ses chaussures. » Une métaphore qu’il emploie pour dire toute la sainteté de ces lieux du Sahara central où la civilisation humaine, une des plus anciennes (voire la plus ancienne) date de 2,5 millions d’années lorsque l’homme a commencé à aménager les premiers galets. 9 h 30 : notre progression sur les hauteurs de Taguerfest aboutit à l’émerveillement lorsque nous atteignons le col Obédène. Une beauté à couper le souffle, que laisse entrevoir le col : c’est le massif de l’Atakor dans toute sa plénitude sous nos yeux ! Le tizouyag, l’essaouinane, la pyramide hadédou, le Hawhawen, tel un visage qui contemple le ciel, l’Oul... Le cœur du Hoggar est là, autrement accessible avec notre méharée, loi des sentiers touristiques. L’Atakor (le nœud en tamahaq) : une grande masse sombre au centre des Tassilis (plateaux), qui constitue avec l’Immidir et la Tefedest, au nord, le plus grand massif d’Afrique septentrionale, et l’un des plus vieux reliefs du globe. L’Atakor est surtout aussi le réservoir d’eau du Hoggar d’où partent tous les grands oueds (Tamenrasset, Tanget, Ighergher) qui continuent très loin leurs chemins vers les autres frontières sud et nord. C’est dans l’Atakor également que s’est déchaîné l’activité volcanique du tertiaire et du début quaternaire sur un bouclier granitique vieux comme le monde : tout ce domaine de la géologie que je contemple de notre col est, en effet, âgé d’un milliard et demi d’années ! Sur les pas réguliers de notre file, nous dévalons Taguerfest en sinuant parmi des rochers qui cèdent, parfois, des passages étroits. Les vents et les eaux ont bien fait, ici comme ailleurs, leur travail d’érosion. L’eau ! Sa présence se ressent ! Tiens, des flaques d’eau ! « Il a plu ici ! », pensai-je ! Des plantes ici et là fraîchement nées, se blotissent fragilement contre les rochers. D’autres bordent notre chemin. Miraculeuse cette naissance, après la pluie, d’une végétation qu’on croyait morte. Une ondée peut suffire à faire pousser ces éléments de la vie nécessaires aux pâturages. « Toutes ces plantes sont nées d’une pluie toute récente dans le Hoggar, nous sommes à la saison des pluies qui commencent à la mi-juillet et il devrait bien pleuvoir Incha Allah », explique Mohamed. Notre descente de Tagerfest est très sinueuse à travers les gros blocs de pierres et de rochers. Pourtant, ouverte depuis toujours par les milliers de caravanes qui ont traversé le temps, notre piste est intacte s’étirant à l’infini en un long trait blanc, qui allonge notre file. Le silence domine ; je le romps, des fois, par mes questions sur telle plante que je surplombe du haut d’Awragh, mon chameau, ou sur telle montagne insolite qui se profile là-bas au loin ; ou encore sur telle trace d’animal sur notre passage. Dans mon école du désert, mes savants enseignants satisfont toutes mes soifs d’apprendre ces milieux d’un autre monde...suite..
setamir
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